15 février 2006
GENEALOGIE ARCHAMBEAUD - 2 - FRANCOIS ARCHAMBEAUD (1755-1812)
Auteur : Edouard Archambeaud vers 1970 - Les notes numérotées sont de l'auteur, les notes en petit caractère et en italique sont de moi.
De la jeunesse de François, né en 1755, nous ne savons que peu de choses. Il n'a que huit ans à la mort de son père. A neuf ans, il assiste avec son frère aîné Jean, qui est parrain, au baptême d'Anne Bouin, fille du Notaire. Il a 12 ans au mariage de sa sœur Marie avec Jean Sebillaud, marchand à Luchac (ce Jean Archambeaud épousera par la suite la sœur de Jean Sebillaud). La dernière trace que nous ayons de lui dans son village natal est sa signature sur le registre de la paroisse à l'âge de 19 ans (l774) à I'occasion d'un baptême.
La même année il commence sa vie d'homme et, suivant la Charente, entre comme élève à l'Hôpital de Rochefort où il reste cinq ans. En 1780, il embarque comme aide-chirurgien sur le vaisseau Le Guerrier.
Ce navire, de 71 canons, avait passé les années 1778 et 1779 sur les côtes d'Amérique, allant de New York à la Grenade et était rentré à Rochefort pour y désarmer en décembre 1779. Il y réarme peu après, en avril 1780, sous le commandement du Chevalier du Pavillon* qui venait d'être chef d'Etat-major de l'Orvilliers pendant son incertaine campagne de la Manche. De Rochefort, le Guerrier repart pour une campagne de onze mois dans les escadres métropolitaines - la guerre d'Amérique dure toujours - et désarme à nouveau en mars 1781.
* : Jean-François de Cheyron, chevalier du Pavillon, est l'inventeur de la communication entre navires par le biais des pavillons !
Le rôle d'équipage du Guerrier comprenait alors 720 hommes, dont 17 officiers majors, 5 gardes de la marine et 114 soldats du régiment du Médoc. Pour tout ce monde, un chirurgien et un aide-chirurgien. A son débarquement, François Archambeaud touche 526 livres, dont 150 lui avaient été avancées à l'embarquement. Ce qui, représente un traitement d'environ 50 livres par mois.
Ce premier embarquement n'avait été qu'un avant goût car le 3 mars 1781, François, suivant son chirurgien major, est muté sur le Sphinx qui arme à Brest sous le commandement du Capitaine de vaisseau Vicomte du Chilleau de Laroche.La campagne du Sphinx est mémorable à plus d'un titre car elle durera plus de trois ans et se déroulera sous le commandement direct du Bailli de Suffren*.
* : Pierre André de Suffren (1729 - 1788), fils du marquis de Saint Tropez, qui a donné son nom à l'avenue de Suffren à Paris, reste une " figure " de la marine française. Toutefois sa prestation dans l'océan indien est controversée (voir ci-dessous les mémoires de Saint Félix).
Partie de Brest le 22 mars 1781 pour les Indes, I'Escadre comprend 5 vaisseaux, 1 frégate et 1 corvette, Suffren ayant sa marque sur le Héros. Le 16 avril aux îles du Cap Vert, c'est le combat de la Praya au cours duquel le Sphinx (64 canons) est amené à remorquer le Héros durement malmené malgré le succès de son opération. Le 21 juin, Suffren est au Cap d'où sa présence écarte les Anglais. Puis il gagne l'IIe de France où, au début de 1782, la mort du Comte d'Orves le place comme commandant en chef à la tête d'une Escadre de 12 vaisseaux.
C'est alors la série des combats contre I'Escadre de I'Amiral Hughes sur la côte sud de l'Inde en 1782 et 1783 : Madras, Provedien, Négapatam (où le Sphinx combat, seul, le Monarca et le Superbe), Trinquemalé (où le Sphinx dégage et remorque le Héros en difficulté), Gondelour (où le Sphinx se trouve en tête de ligne). On peut imaginer l'existence du second chirurgien d'un vaisseau ayant plus de 700 hommes à bord, dans les rangs d'une escadre qui, à la paix de Versailles en 1733, avait perdu 1000 hommes au combat et 1400 par les maladies.
Note : voir le récit de ces combats sur http://home.tele2.fr/saintfelix/Notes_personnelles_de_Armand_de_Saint_Felix.html
(notes personnelles d'Armand de Saint Félix, commandant " Le Brillant " de l'escadre de Suffren).
Le Sphinx rentre en France à la paix et est désarmé à Rochefort le 7 mai 1784. François Archambeaud dut aller aussitôt à Bourg-Charente raconter ses campagnes. Il avait quelque chose à dire.
Nous le retrouvons à l'Ile-de-France en novembre 1786 en qualité de chirurgien-major de la corvette l'Aurore. Comme l'Aurore avait été l'objet d'une refonte à Toulon en 1785, on peut supposer que François Archambeaud avait embarqué sur le navire à son armement en France pour l'Océan Indien.
L'Aurore avait été construite au Havre sur les plans d'Ozanne l'aîné*. Armée en 1767, sa première mission avait été d'éprouver, en Manche et Mer du Nord, les montres de M. le Roi dont la maison existe toujours Faubourg Saint Honoré. Une très belle maquette de l'Aurore qui orne le hall d'entrée de la Bibliothèque Sainte Geneviève, et une gravure d'Ozanne I'aîné qui est la propriété de la famille Leroy, permettent d'apprécier I'allure de ce petit bâtiment qui, avec ses 66 pieds de long, avait en 1783 un rôle d'équipage de 280 hommes et un armement de 28 canons de 12.
*: plus d'infos sur Nicolas Ozanne, dit " l'aîné " :
http://www.historic-marine-france.com/gravures/ozanne-nicolas.htm
Après de nombreuses navigations et une refonte importante à Toulon, l'Aurore se trouve donc à l'Ile-de-France* lorsque le 18 novembre 1786 elle réarme sous les ordres de M. Pierre de Monneron qui a reçu la mission de conduire en France les Ambassadeurs que le Sultan Tippou Sahib désirait envoyer à la Cour de Versailles. L'histoire de cette ambassade exigerait un volume et sortirait de notre sujet. Nous n'en relaterons ici que ce qui peut aider à situer l'existence du chirurgien major de l'Aurore.
* : Ile-de-France est l'ancien nom de l'Ile Maurice, située au nord est de l'île de La Réunion (cette dernière étant nommée à l'époque île Bourbon). La capitale de l'Ile-de-France est Port Louis. D'abord portugaise, puis hollandaise, l'île a été française de 1715 à 1810 date à laquelle les Anglais s'en emparèrent.
" Planche frontispice représentant la frégate l'Aurore, en réalité une corvette légère, dessinée d'après nature par Nicolas Ozanne et gravée par Elizabeth Aussard. " Extraite du " Journal de voyage de Monsieur le marquis de Courtanvaux " et que l'on peut voir ici : http://perso.wanadoo.fr/vieillemarine/biblio/pages/Courtanvaux.htm
On apprend beaucoup sur l'Aurore en suivant le lien suivant : http://perso.wanadoo.fr/gerard.delacroix/aurore/aurore-index.htm. Les photos des maquettes au 1/36ème (sur plans de Gérard Delacroix publiés aux éditions Ancre) donnent une bonne idée de ce que pouvait être la vie à bord à près de 300 personnes pendant de longs mois de navigation...
Tippou Sultan, qui tenait la partie sud de l'Inde, était en guerre contre les Anglais. Il était en liaison avec le gouverneur de Pondichéry grâce auquel nous connaissons les effectifs de son armée (en 1786) : environ 150.000 hommes dont 55.000 cavaliers, 40 éléphants et 110 canons. Le sultan, malgré ses succès militaires, cherchait l'appui du Roi de France et souhaitait une alliance effective : c'est pour resserrer ses relations avec le Roi Louis XVI qu'il décida en 1786 d'envoyer une ambassade.
Dans l'entourage composite du Nabab, se trouvait un certain Pierre de Monneron, officier de marine portugais en congé, qui faisait du commerce avec le Nabab dont il était devenu l'ami, et lui fournissait des armes. C'est ainsi quo Monsieur de Souillac, Commandant la division Navale de l'océan Indien, fut amené à désigner ce Monneron, en lui donnant une commission de Lieutenant de vaisseau français, pour prendre le commandement de l'Aurore et assurer la mission prévue.
Monneron, qui se trouvait aux armées avec le Nabab l'été 1786, se rend à Pondichéry où il est le 8 septembre et prend le commandement de l'Aurore le 18 novembre au mouillage de Port-Louis.
Le 15 décembre, un cyclone met l'Aurore au sec. Le gouvernail est perdu. Il faut, "virer en quille" et réparer les hauts avant et arrière. Le séjour à l'Ile-de-France se prolonge ce qui ne devait pas déplaire à Monneron qui, entre sa prise de commandement et le cyclone, avait trouvé le temps de se marier et avait épousé le 25 novembre une jeune fille de 15 ans portant, comme la corvette, le gracieux nom d'Aurore. Ce n'est qu'en mars qu'a lieu le départ. Mais il y a un malentendu sur la destination et Monneron va porter un chargement d'armes à Mangalore, où il croit trouver les ambassadeurs, alors que ceux-ci sont en route pour Pondichéry. L'Aurore n'arrive dans ce port que le 5 mai. C'est trop tard pour partir pour le Cap à cause de la mousson et le Gouverneur de Pondichéry, qui a la mission sur les bras, se met en frais pour la distraire. Enfin l'appareillage a lieu le 22 juillet 1787.
L'ambassade comprend trois personnages de marque : Mahomet Dervish Khan, 40 ans, qui descend, parait-il, du prophète, Abbar Ali Khan, 70 ans, homme sage, cultivé, auteur de 6 volumes d'histoire et de poésie, Mahomet Ousman Khan, 50 ans.
Ils sont visiblement heureux de ce voyage qui leur permet d'échapper à l'autorité tyrannique de leur souverain et de profiter des multiples avantages de leur situation. Ils sont accompagnés de 2 écrivains, d'une garde de 8 hommes commandée par un officier et de nombreux serviteurs. L'effectif total indiqué par Monneron est de 45 personnes, à loger en plus de l'Etat-Major et de l'équipage dans les locaux exigus de l'Aurore.
Le Commandant avait l'ordre de relâcher à Bourbon et au Cap et interdiction (on ne sait pourquoi) d'aller à l'Ile-de-France. Mais dans l'Océan Indien une voie d'eau se déclare (10 pouces dans la cale) et les ferrures du gouvernail ne tiennent pas. Il faut aller réparer à Port-Louis. A la durée des travaux s'ajoute un retard dû au charme de l'île et de ses habitants, charme vivement ressenti par les Ambassadeurs et peut-être aussi par le Commandant. Toujours est-il que l'Aurore ne repart que le 7 décembre pour arriver le 3 janvier au Cap, où les Ambassadeurs ont à remettre des lettres du Sultan aux autorités hollandaises.
De fortes brises (il s'agit d'un bâtiment de 22 mètres de long dans le grand vent d'ouest) retardent le départ qui n'a lieu que le 11 février. La remontée de la côte d'Afrique est pénible. Monneron est préoccupé de la santé de ses passagers, réputés fragiles à la mer et aux changements de climat : il a déjà fait un voyage de ce genre et, sur 55 mahométans, un seul a survécu ! Il relâche à l'île Ascension pour prendre des tortues. Les Indiens sont malades et, au départ d'Ascension, un des Ambassadeurs a une colique bilieuse qui fait craindre de le perdre. Le problème de l'eau se pose : on avait 220 barriques en quittant le Cap, mais les Indiens en font une forte consommation. Malgré les dispositions prises au Cap pour améliorer la tenue au vent du navire (on a descendu les canons dans la cale), l'Aurore avance lentement dans des vents irréguliers. Elle finit par relâcher à Gorée* à court d'eau le 3 avril 1788.
*: île du Sénégal située en face de Dakar.
C'est de là que Monneron envoie au Ministre, le Comte de la Luzerne*, un rapport rendant compte de la cause de ses multiples retards et annonçant son arrivée... à Toulon, alors que tout était organisé à Brest ce qui va entraîner dans les deux ports une certaine agitation.
* : César-Henri de La Luzerne, comte de la Luzerne (1737-1799), est ministre de la marine et des colonies de 1787 à 1790.
A Gorée, Mahomet Dervish Khan est gravement malade, ce qui prolonge l'escale. Monneron appareille le 23 avril. Il relâche à Malaga le 30 mai pour acheter légumes et fruits car les Indiens souffrent du scorbut et il y a eu deux morts. Finalement, le 9 juin, à 4 heures de l'après-midi, l'Aurore mouille en rade de Toulon.
Salués par l'artillerie des forts à l'entrée de la rade et par les 4 frégates qui s'y trouvaient mouillées, l'Aurore jette l'ancre devant la Chaîne Vieille. L'Amiral d'Albert de Rions envoie un capitaine de vaisseau saluer les Ambassadeurs mais ce n'est que le lendemain qu'a lieu le débarquement, car les musulmans attendent la fin de leur " carême ".
* : c'est cet Amiral de Rions, commandant l'escadre de Toulon, qui fut arrêté à Toulon par les révolutionnaires en décembre 1789 puis libéré mais muté à Brest où l'accueil hostile qui lui fut réservé le contraignit à la démission. Ces épisodes sont à l'origine de l'émigration massive en 1790 des officiers de la Royale.
Les tambours battent dans toute la ville. Les navires ont leur pavois, les galères avec leurs grands pavillons bleus et blancs. Trois canots, commandés chacun par un capitaine de vaisseau, amènent l'Ambassade au Quai de I'Arsenal. Salués de 15 coups de canon, logés à l'Hôtel du Commandant sur le Champ de Bataille, les Ambassadeurs bénéficieront d'un programme exceptionnel - réceptions, théâtre, joutes sur le vieux port, visite de la fonderie royale, de la corde des manufactures, visite du vaisseau Le Triomphant de 80 canons - avant de partir pour Paris.
C'est tout un cortège de carrosses et de voitures de poste qui prend la route et, après un arrêt à Marseille, conduit l'Ambassade à Paris par Aix, Montélimar, Lyon, Tarare, Moulins, Nevers, Montargis. A I'arrivée, le 16 juillet, les Ambassadeurs sont logés dans un Hôtel réquisitionné et aménagé pour eux au n°15 de la rue Bergère.
Monsieur de Monneron les avait accompagnés depuis Toulon ainsi que François Archambeaud qu'ils avaient spécialement réclamé pour eux, le second chirurgien s'occupant de leur suite.
Au cours de leur séjour à Paris, qui durera environ 3 mois, les Ambassadeurs adressèrent à plusieurs reprises au Roi des demandes de récompenses pour ceux dont ils avaient eu à se louer. En particulier, ils appuyèrent avec insistance une demande de François Archambeaud qui les avait soignés pendant près d'un an, et qui demandait à son débarquement de I'Aurore la place de Chirurgien en Chef à Madagascar. Cette demande transmise par Monsieur de Monneron, est datée de Paris le 15 août 1738 et figure aux Archives Nationales.
Quant aux Ambassadeurs, après un séjour émaillé de fêtes et de réceptions ils repartirent de Brest pour les Indes le 10 novembre à bord de la Frégate La Thétis commandée par Monsieur de Mac Namara. Arrivés à Seringapatam en mai 1789, ils ne rapportaient au Nabab que de bonnes paroles et une livraison de mille fusils, et encoururent sa disgrâce. Ils eurent surtout le tort d'avoir vu la cour d'un souverain plus puissant que le Nabab et de trop parler de ce qu'ils avaient vu en France. Jaloux, le sultan fit mettre à mort deux d'entre eux, au cours d'une promenade, par les personnes de sa suite.
Le commandant de Mac Namara devait avoir, peu après, une fin aussi tragique. Devenu, à bord de la Thétis, commandant de la Division Navale de l'Océan Indien, il fut assassiné le 24 novembre 1790 dans les rues de Port Louis par la garnison révoltée.
Nous voici rendus à l'époque révolutionnaire et nous y perdons la trace de François Archambeaud. La recommandation des ambassadeurs pour obtenir la poste de Madagascar n'eut pas de suite ainsi qu'en témoigne une lettre de d'Entrecastreaux et Motais de Narbonne, datée de l'Ile-de-France le 19 mars 1739. Nous avons retrouvé les noms de certains des chirurgiens-majors des frégates qui ont fait partie de la station de l'Océan Indien, de 1789 à 1799, sous les ordres du Commandant de Rosily, du commandant de St Félix ou de l'Amiral Sarcey, mais pas le sien. Le poste de Pondichéry fut supprimé et son titulaire qui était le chirurgien de la Thétis, nommé à l'Ile-de-France. Il ne restait donc que Bourbon en poste à terre. Il aurait pu y retourner d'ailleurs en restant sur l'Aurore qui arma à nouveau à St Malo en mars 1789 (avec à bord le jeune Surcouf âgé de 15 ans) pour faire un voyage sur les Indes. Il est de fait qu'il repartit, probablement assez vite, pour l'Océan Indien et c'est à Bourbon que nous retrouvons notre homme le 20 nivôse an VI (19 janvier 1798) quand il épouse à St Paul, à 43 ans, Marie Barbe Buffard des Varennes.
Cette Marie Barbe était la fille d'Armand Buffard des Varennes, " capitaine de vaisseaux particuliers ", c'est-à-dire de marine marchande, fils de Jacques Armand Buffard des Varennes, receveur des tailles à St Jean d'Angely et de Françoise Barbaud. Les Buffard venaient de Fontenet, village voisin de St Jean d'Angély où le père Barbaud était procureur.
Sans beaucoup d'imagination on peut supposer que François Archambeaud arrivant à Bourbon sympathisa particulièrement avec une famille qui était, comme lui, des Charentes, et que ceci influa sur son mariage.
Mais, en épousant Marie Barbe Buffard, et alors que son fils épouserait plus tard Lucinde Léger, il faisait entrer dans notre famille l'histoire, pleine d'aventure, des premiers colonisateurs de Bourbon, au service de la Compagnie des Indes.
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